vendredi 30 mars 2007

Ange

A la fin de l'année 2005 (en décembre) et au début de l'année 2006 (février), il a subit deux opérations très lourdes (et avec le recul totalement inutiles) à chaque poumon pour lui enlever les deux métastases qui s'y étaient créées.

Pour ouvrir les chirurgiens passent par derrière. Ils ouvrent entre deux côtes et la cicatrice va de dessous le bras jusque sous l'omoplate. Dès la première opération, je le plaisantais en disant qu'il était un ange à qui on venait d'enlever les ailes et que ces cicatrices c'étaient celles qu'avait laissé cette opération.

mercredi 28 mars 2007

Boucler la boucle

La veille de la mort de mon mari, je suis allée passer une mammographie (celles qu'on vous fait passer de routine après 40 ans). Pour cela il m'a fallu enlever mes boucles d'oreilles, des créoles toutes simples.
Je ne les ais pas remise tout de suite et depuis, je ne les ais toujours pas remise. Je ne sais pas pourquoi, je n'ai pas envie de les remettre.
Je porte peu de bijoux: une bague en argent à la main gauche avec un lapis lazuli (cassé d'ailleurs) et une alliance qu'il m'a offert (celles qui ont trois anneaux de trois ors différents) il y a quelques années, à la main droite. Et les boucles d'oreilles que je n'ai jamais remis.
Pas de bracelet, ni colliers, ni broche, ni pendentif. Tout ces bijoux me génent dans mes mouvements et je déteste tout ce qui me gène.

Est-ce que, quand j'aurais envie à nouveau de remettre des boucles d'oreilles, cela voudra dire que je suis enfin sortie du deuil?

samedi 24 mars 2007

Réponse à yzy

Vu que depuis tout à l'heure j'essaye d'enregistrer une réponse au commentaire de yzy sur ma note précédente sans y parvenir, j'ai fini par renoncer et poster cette réponse comme une nouvelle note.


Merci yzy.

J'ai vécu aussi la mort de mon père, il y a un peu plus de 12 ans (si longtemps déjà!), mais ça a été très différent.
Il est mort, comment dirais-je, en pleine santé. Probablement une rupture d'anévrisme à la fin d'une journée très active pour lui. Bref, c'est très dur à supporter aussi pour l'entourage qui ne s'y attend pas, mais pour la personne, je devrais presque dire que c'est une mort "idéale". Aucune souffrance, aucune dégradation de l'organisme.
Par contre le corps médical s'est signalé ce jour là aussi par sa nullité. La femme médecin qui est venue, alors que ma mère pensait encore que c'était seulement un malaise (comment reconnaitre la mort quand on n'est pas médecin), lui a dit tout à trac: "mais il est mort, vous ne voyez pas?".
C'est d'une délicatesse!
Elle a fait mieux cette c***. Comme mes parents étaient dans les Pyrénées quand c'est arrivé, je suis venue de Marseille avec mon mari et ma fille le jour même.
Le lendemain matin le médecin est revenue pour le certifacat de décès. Comme ma fille toussait, je lui ait demandé de l'examiner.
Non seulement elle nous a fait payer la consultation (encore, je le comprend à la limite), mais aussi le déplacement, alors qu'elle s'était déplacé pour le certificat de décès. Il n'y a pas de petit profit!
Finalement, il m'a fallu quand même appeler mon propre médecin à Marseille car ce qu'elle lui avait donné n'était pas efficace.

mercredi 21 mars 2007

S'arracher le côté droit

Je suis allée chez mon médecin aujourd'hui et comme chaque fois nous parlons un peu. Même quelquefois beaucoup, mais là ça n'a pas duré très longtemps. J'aurais aimé poursuivre la conversation, mais ma fille était avec moi et je n'ai pas voulu m'étendre.

Quand je lui ais dit que j'avais eu un accrochage et que j'avais arraché tout le côté droit de ma voiture. Il m'a dit: "ah! ah!, le côté droit, comme ça se trouve". Puis il a ajouté: "si vous ça peut vous aider".
C'est là que j'aurai voulu parler plus, mais que je n'ai pas osé à cause de la présence de ma fille.

Et j'ai ressenti une immense peine que je ressens encore. Je pense que je comprends ce qu'il a voulu dire. Que je tente en quelque sorte d'arracher mon côté droit qui est le côté de l'homme, du masculin pour essayer de ne plus ressentir la peine de la mort de mon mari.

Comme si j'avais besoin d'arracher mon homme (homme=masculin=côté droit) de moi pour guérir de ma peine. Maintenant, en l'écrivant, je ne suis pas sûre que c'est ce qu'il voulait dire.

Ce que je ressens en tout cas ce soir, c'est que je ne voulais pas l'arracher. Je voulais et veux encore le garder aussi longtemps que possible. On me l'a arraché, c'est la vie qui me l'a arraché et je crie "NON" de toute la force de mon âme.

Il n'est plus là, j'ai perdu un pilier qui solidifiait ma vie. Maintenant, je me sens fragile, vulnérable et toutes les merdes qui m'arrivent en ce moment, j'ai l'impression que c'est pire que s'il était là. On n'est plus deux pour faire face aux bourrasques de la vie, je suis seule et j'ai quelqu'un à protéger en plus, alors que je me sens si peu solide.

jeudi 15 mars 2007

Je repense à la note que j'ai fait il y a quelques jours sur le "suicide au cancer" et le fait qu'il allait mieux moralement au fur et à mesure que son état physique se dégradait.
Une autre idée m'est venue par rapport à ça.
Imaginez que vous ne soyez pas bien dans un lieu (à votre travail par exemple), comment réagissez vous selon que vous deviez y rester encore longtemps, voire toute votre vie jusqu'à la retraite ou qu'au contraire, votre contrat étant limité dans le temps, vous voyez approcher le moment où vous pourrez vous en aller de cet endroit où vous vous sentez mal?

Ça dépend des caractères bien sûr, mais il y a fort à parier que dans le deuxième cas, vous vous sentiez de mieux en mieux au fur et à mesure que vous vous approchez du terme de votre contrat.

Je me demande si ce n'est pas ce qui s'est passé pour lui. Sachant qu'il n'avait plus très longtemps à vivre cette vie dont il ne voulait plus, il se sentait mieux moralement au fur et à mesure qu'il se rapprochait du terme de cette vie.
C'est un peu contredit par le fait qu'il faisait des projets d'avenir. A moins que ces projets là, cela ai été comme une sorte de testament moral qu'il m'a légué. Une façon de me dire: "après ma mort, je veux que tu fasses ça et ça".
Et c'est ce que je fais d'ailleurs. Pas très vite, mais je le fais.

mercredi 14 mars 2007

Sa tasse

Comme je l'ai déjà dit, je n'ai pas pu me débarasser des ses affaires, celles qu'il mettait tous les jours. J'ai donné quelques trucs qui pouvaient servir à d'autre personnes. Moi même je me sers de certains de ses T-shirts. Le reste je l'ai mis dans des caisses et je les ais stocké en haut de l'armoire.

Par contre un objet dont je n'arrive pas à me servir c'est la tasse de son petit déjeuner.

En fait à un moment, c'était une sorte de compétition entre nous. Nous aimions tous les deux cette tasse et c'est le premier qui se levait qui la prenait pour le petit déjeuner.

Puis quand il a commmencé à être vraiment malade, je ne l'ai plus prise, je la lui laissais. Je me souviens même qu'une fois qu'il a dû entrer en clinique en urgence (c'était l'été 2006), le matin je lui avais préparé cette tasse avec cuillère et sucre, il ne restait plus qu'à y mettre le café. Et bien j'ai mis un papier alu dessus pour pas que la poussière rentre dedans et elle a attendu une semaine qu'il revienne.

Et maintenant la tasse reste dans le placard. Je me sers des autres, mais jamais de celle là.

mardi 6 mars 2007

Je lui parle

Au début non, je ne le faisais pas. Pourquoi? Je n'en sais rien.

Depuis quelques jours, il m'arrive de lui parler. N'ayant plus personne avec qui partager certaines choses qui ne nous intéressait que tous les deux, à qui pourrais je en parler? Alors, de temps en temps, je lui parle.
De ce qui arrive à notre fille, des modifications que je fais dans la maison, en particulier celles que nous avions prévu tous les deux, de ce qui se passe dans le voisinage aussi.

vendredi 2 mars 2007

Suicide au cancer

J'ai longtemps hésité à écrire cette note et pourtant, c'est ce qui se passe dans ma tête en ce moment, donc j'y vais, tant pis si on me juge.

Avant d'être malade physiquement, mon mari a été dépressif pendant trois ans. Celles et ceux qui ont l'expérience d'avoir vécu avec une personne dépressive comprendrons ce que je veux dire. Pour les autres, il faut un effort d'imagination, mais je sais que ce n'est pas évident quand on n'a pas vécu ça.

Je l'ai souvent entendu me dire: "je n'ai plus envie de vivre". C'est très dur à entendre d'une personne si proche et qu'on aime. On veut faire quelque chose pour elle, pour lui redonner cette envie, mais c'est impossible. Tout ce qu'on peut faire ou dire est perçu négativement et accentue la dépression et le dégoût de la vie.

Puis est venue la maladie. Et le côté dépressif, sans disparaitre, est passé au second plan. C'est comme s'il avait remplacé l'un par l'autre. Il a eu encore pendant cette période où la maladie évoluait et où il se battait contre elle, des moments où il reprenait son leitmotiv: "je n'ai plus envie de vivre".
Pourtant en même temps qu'il disait ça, il acceptait tous les traitements, même les plus durs pour vivre encore un peu. Et paradoxalement, plus la maladie évoluait, plus il souffrait et s'affaiblissait, meilleur était son moral. Les dernières semaines, alors qu'il souffrait le martyre, qu'il ne pouvait presque plus rien faire, il était plein de projets d'avenir, il parlait de guérir pour les réaliser. Pourtant, il savait que son avenir n'était pas bien long. Il le savait mieux que moi, qui n'ai pas voulu comprendre jusqu'aux derniers jours que c'était fini pour lui.

Maintenant qu'il est mort, cette pensée me vient: "il s'est suicidé, comme il parlait de le faire parfois, mais il s'est suicidé au cancer".

Je sais bien que les choses ne sont pas aussi simples. Que la réalité est bien plus complexe que ça. Cependant, ces mots me viennent souvent à l'esprit: "suicide au cancer".